Télécharger le bulletin au format PDF

BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS

7 S-1-05

N° 8 du 12 JANVIER 2005

IMPÔT DE SOLIDARITE SUR LA FORTUNE. EXONERATION DES BIENS PROFESSIONNELS.

ELEMENTS DU PATRIMOINE SOCIAL NECESSAIRES A L’ACTIVITE DE LA SOCIETE. 

LIQUIDITES ET TITRES DE PLACEMENT.

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS DU 27 FEVRIER 2001.

ARRÊT DE LA COUR D’APPEL DE PARIS DU 28 NOVEMBRE 2002.

(C.G.I., art. 885 O ter)

NOR : BUD L 05 00014 J

Bureau J2

PRESENTATION

 

Pour l'application de l'article 885 O ter du code général des impôts, les liquidités et titres de placement figurant au bilan d'une société sont présumés constituer des actifs nécessaires à son activité professionnelle.

Dans des cas exceptionnels, l’administration peut, toutefois, remettre en cause cette présomption.

La cour d’appel de Paris a apporté des précisions sur les éléments de preuve que doit recueillir le service à cet effet.

 

 

 

 

 

 

 


Selon les dispositions de l'article 885 O ter du code général des impôts, seule la fraction de la valeur des parts ou actions d'une société correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de cette société est considérée comme un bien professionnel exonéré au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Pour l'application de ce texte, les liquidités et titres de placement inscrits au bilan d’une société sont présumés constituer des actifs nécessaires à l'activité professionnelle dès lors que leur acquisition découle de l’activité sociale ou résulte d’apports effectués sur des comptes courants d’associés.

Cependant, s’agissant d’une présomption simple, l’administration peut, dans des cas exceptionnels, démontrer que ces liquidités et titres de placement ne sont pas nécessaires à l’accomplissement de l’objet social.

L'exonération se trouve alors limitée à la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social autres que les liquidités et titres de placement.

Mettant en œuvre ces principes, un arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 novembre 2002 a confirmé un jugement de première instance ayant conclu qu'un portefeuille de valeurs mobilières n’était pas nécessaire à l’accomplissement de l’objet social de la société en cause, après avoir relevé que :

- le portefeuille litigieux était hors de proportion avec le volume d’activité de la société, les titres de placement représentant six à sept fois le montant du chiffre d’affaires ;

- ce portefeuille n’était pas utilisé pour couvrir des besoins de trésorerie, compte tenu d’un passif exigible à court terme de la société toujours inférieur au montant de ses créances ;

- la nature de l’activité de la société, le conseil en industrie, ne nécessitait aucun investissement, ainsi que le confirmait la faiblesse de l’actif immobilisé.

Le fait que les valeurs réalisables à court terme ou disponibles d'une société (y compris les titres de placement) excèdent largement son passif exigible à court terme (y compris les comptes courants d’associés) ne constitue donc qu'un indice de l'existence éventuelle d'actifs ne revêtant pas un caractère professionnel.

 

Supprimer : D.B. 7 S 3323 n° 32

 

Le Sous-Directeur

Christian COMOLET-TIRMAN


Tribunal de grande instance de paris, jugement du 27 février 2001

 

« Procédure et les moyens des parties :

Le 15 février 2000, M. et Mme G…ont assigné la direction des services fiscaux, entendant contester un redressement notifié le 22 juin 1999 au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune des années 1990 à 1995, par lequel l’administration a remis en partie en cause la qualification de bien professionnel des 2 489 actions détenues par eux sur un total de  2 500 dans le capital de la société I…et réintégré une fraction de la valeur de cette participation à la base imposable en refusant de considérer comme un actif professionnel le portefeuille de valeurs mobilières de cette société ;

ils font valoir que la trésorerie de la société I… provient uniquement des résultats réalisés à l’occasion de l’exercice de son activité et invoquent le bénéfice de la présomption instaurée par la doctrine administrative suivant laquelle sont présumés professionnels pour les sociétés les liquidités et titres de placement dès lors que leur acquisition découle de l’activité sociale ;

ils demandent en conséquence à être déchargés de l’imposition correspondante […] ;

concluant au débouté, l’administration soutient au contraire que l’important portefeuille de valeurs mobilières détenu par la société I… ne peut être considéré comme un actif professionnel au regard de son objet social et de son niveau d’activité en application de l’article 885 O ter du code général de impôts ;

Motifs de la décision :

La doctrine administrative résultant de l’instruction du 19 mai 1982 paragraphe 278 invoqué par les demandeurs, suivant laquelle « en règle générale doivent être, pour les sociétés, présumés constituer des biens professionnels, les liquidités  et les titres de placement dès lors que leur acquisition découle de l’activité sociale » vise à préciser la notion de biens professionnels exclus de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Mais cette présomption est susceptible d’être écartée par la preuve contraire, et l’article 885 O ter du code général des impôts qui fonde le redressement apporte lui-même une restriction à la notion de bien professionnel en disposant que « seule la fraction de la valeurs des parts ou actions correspondants aux éléments du patrimoine social nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société est considérée comme un bien professionnel ».

L’administration a exactement fait ressortir de l’examen des bilans de la société I… que la valeur comptable de son portefeuille comprise entre 8,9 millions de francs en 1989 et 6,9 millions de francs en 1994 était hors de proportion avec son niveau d’activité correspondant à un chiffre d’affaires de 1,4 millions de francs en 1989 à 0,8 millions de francs en 1994, que les titres n’étaient pas utilisés pour financer les besoins de trésorerie de la société compte tenu d’un niveau de passif exigible à court terme toujours inférieur au montant de ses créances, et que son activité de conseil ne nécessitait aucun investissement comme le confirmait la faiblesse de l’actif immobilisé.

Il s’en déduit que le portefeuille n’était pas nécessaire à l’accomplissement de l’objet social de la société I…, et que le redressement auquel a procédé l’administration en réintégrant à la base imposable une fraction de la valeur des actions détenues dans le capital de cette société correspondant à cet élément du patrimoine social se trouve bien fondé ».


cour d’appel de Paris , arrêt du 28 novembre 2002

 

« Considérant que M. et Mme G… soutiennent que le portefeuille de valeurs mobilières de la société I… est présumé constituer un actif professionnel de la société, et que l'importance de la trésorerie dont disposait de ce fait la société au regard de son faible niveau d'activité ne permet pas d'écarter cette présomption, aucune limite de temps n'étant fixée pour l'utilisation de la trésorerie aux fins de l'activité sociale, notamment au moyen d'un investissement, la société ayant au demeurant continué d'exercer son activité jusqu'en 1995 ;

mais considérant que s'il n'est pas contesté que l'acquisition des titres de placement litigieux découle de l'activité sociale, la présomption de biens professionnels résultant de la doctrine administrative, outre qu'elle admet la preuve contraire, ne trouve application que dans la mesure où les biens sont considérés comme professionnels au sens du C.G.I. ; qu'à cet égard, l'article 885 O ter du CGI dispose que seule la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l'activité industrielle ou commerciale (...) de la société est considérée comme un bien professionnel ;

que le tribunal a justement retenu qu'il ressortait des bilans de la société que les placements litigieux étaient hors de proportion avec l'activité de la société ; que compte tenu de l'objet social, le conseil en industrie, de la faiblesse de l'actif immobilisé, correspondant à cet objet, et de l'absence d'utilisation des placements litigieux pour financer la trésorerie de l'entreprise, il en a exactement déduit, sans ajouter aucune condition au texte contrairement à ce que soutiennent les appelants, que ces placements n'étaient pas nécessaires à l'accomplissement de l'objet social, et par suite que le redressement, qui portait sur la fraction de la valeur des actions détenues dans le capital de la société correspondant à cet élément du patrimoine social, était bien fondé ; que le jugement sera en conséquence confirmé ».