BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS
5 G-3-05
N° 34 du 21 FEVRIER 2005
IMPOT SUR LE REVENU. imposition des produits de CERTAINEs operations de bourse EFFECTUEES par les particuliers. COMMENTAIRES DE L’ARTICLE 12 DE LA LOI RELATIVE AU SOUTIEN A LA CONSOMMATION ET A L’INVESTISSEMENT (LOI N° 2004-804 du 9 aout 2004)
(C.G.I., art. 92-2. 1°)
nor : BUD F 05 20211 J
Bureau C 1
1. Les produits et gains nets réalisés par les particuliers à l’occasion de la cession à titre onéreux de valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés sont imposés selon les modalités suivantes[1] :
a) dans la généralité des cas, au taux proportionnel de 16 % (hors prélèvements sociaux), dans les conditions définies par les articles 150-0 A et suivants du code général des impôts ;
b) au barème progressif de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, pour certaines opérations de bourse qualifiées d’habituelles en application du 1° du 2 de l’article 92 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure au 12 août 2004.
Pendant longtemps, la doctrine (documentation de base 5 G 1141) et la jurisprudence ont considéré que le caractère habituel des opérations de bourse devait s’apprécier au cas par cas en fonction des circonstances de fait à partir de critères tels que le nombre et la fréquence des opérations, leur échelonnement dans le temps, leur nature et la technicité qu’elles requièrent, la diversité des titres négociés, l’importance du portefeuille, ainsi que la durée moyenne de conservation des titres. Récemment, la jurisprudence a restreint le champ d’application du 1° du 2 de l’article 92 du code général des impôts.
L’article 12 de la loi relative au soutien à la consommation et à l’investissement du 9 août 2004 tire les conséquences législatives de cette évolution jurisprudentielle.
A. PLUSIEURS DECISIONS RECENTES DU CONSEIL D’ETAT ONT PRECISE LA PORTEE DE LA NOTION D’OPERATIONS DE BOURSE EFFECTUEES A TITRE HABITUEL
2. Par un arrêt du 14 février 2001 (n° 189572, Boniface), le Conseil d’Etat, revenant sur sa jurisprudence, a infirmé la doctrine administrative et a précisé la notion d’opérations de bourse réalisées à titre habituel. Il a ainsi jugé que ces opérations effectuées à titre habituel s’entendent de celles effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations.
Cette jurisprudence a été complétée et précisée par trois arrêts rendus par la haute juridiction au cours de l’année 2003.
3. Le Conseil d’Etat a ainsi jugé que tel était le cas du contribuable qui, exerçant par ailleurs la profession de remisier en bourse, bénéficiait de l’ensemble des moyens et informations mis à la disposition d’un professionnel dès lors qu’il avait conclu avec une banque un contrat lui permettant de participer à ses côtés tant à l’élaboration qu’à l’exécution d’opérations financières, et réalisait des opérations qui se caractérisaient par leur ampleur, leur diversité, leur fréquence et leur technicité (ventes à terme, technique du report) (CE du 3 février 2003 n° 232040, Roche).
4. Le Conseil d’Etat a également jugé que tel était le cas du contribuable qui, commis principal d’agent de change, utilisait à des fins privées les moyens mis à sa disposition dans le cadre de son activité professionnelle pour réaliser des opérations caractérisées par leur ampleur et la brièveté de durée de détention des titres (CE du 5 novembre 2003 n° 241201, Riglet).
5. A l’inverse, le Conseil d’Etat a jugé que les opérations de bourse d’un contribuable qui avait confié la gestion de son portefeuille, par mandat « discrétionnaire », à une banque d’affaires, ne relevaient pas de l’article 92 du code général des impôts dans la mesure où ce contribuable ne réalisait pas lui-même lesdites opérations (CE du 25 avril 2003 n° 231084, Melon).
B. L’ARTICLE 12 DE LA LOI RELATIVE AU SOUTIEN A LA CONSOMMATION ET A L’INVESTISSEMENT TIRE LES CONSEQUENCES DE LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL D’ETAT
6. En application de cet article, qui modifie le 1° du 2 de l’article 92 du code général des impôts, seules entrent désormais dans le champ d’application de ces dispositions les opérations de bourse réalisées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations.
7. Pour l’appréciation de ces conditions, la détention, la maîtrise et l’usage d’informations et de techniques d’intervention spécialisées ainsi que leur recherche organisée au profit d’opérations boursières nombreuses et sophistiquées (couverture, report...) sont des critères essentiels.
8. Par ailleurs, le montant des gains retirés des opérations de bourse doit être apprécié par rapport aux autres revenus du contribuable, particulièrement ceux retirés d’activités professionnelles. Cela étant, le fait que les gains réalisés soient supérieurs aux revenus professionnels du contribuable n’est pas, en lui-même, suffisant pour qualifier le contribuable d’opérateur habituel.
9. En outre les opérations de bourse doivent être réalisées personnellement par le contribuable. A défaut, elles ne sauraient être visées par les dispositions de l’article 92 précité.
Dès lors, lorsque la gestion du portefeuille est effectivement confiée par mandat à un tiers, les conditions requises par l’article 92 ne sont pas réunies nonobstant la réunion des autres critères.
Encore faut-il que les clauses du mandat soient telles que l’on puisse considérer que le contribuable ne soit pas partie prenante aux décisions concernant la gestion du portefeuille. L’appréciation de cette situation résulte de l’examen du mandat conclu et des conditions de réalisation de ces opérations (termes du contrat de gestion, nature des objectifs fixés au gestionnaire du portefeuille, …).
10. En définitive, l’imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, selon les dispositions du 1° du 2 de l’article 92 revêt un caractère exceptionnel puisqu’elle est susceptible de concerner les opérations de bourse qui, outre leurs aspects quantitatifs et qualitatifs rappelés plus haut, sont réalisées personnellement par le contribuable dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations.
11. A cet égard, l’utilisation même fréquente de l’outil informatique du réseau internet et du courtage en ligne pour gérer son portefeuille, qui permet le cas échéant d’accélérer la vitesse de rotation d’un portefeuille et de faciliter les transactions boursières, ne constitue pas, par elle-même, un critère suffisant pour qualifier fiscalement les produits retirés des opérations comme relevant des bénéfices non commerciaux.
C. ENTREE EN VIGUEUR
12. Les dispositions de l’article 12 de la loi relative au soutien à la consommation et à l’investissement (n° 2004-804 du 9 août 2004) s’appliquent à compter de l’imposition des revenus de l’année 2004.
La Directrice de la législation fiscale
Marie-Christine LEPETIT
Annexe
Article 12 relatif au soutien à la consommation et à l’investissement
(loi n° 2004-804 du 9 août 2004 – JO du 11 août 2004)
Au deuxième alinéa (1°) du 2 de l’article 92 du code général des impôts, les mots : « à titre habituel par les particuliers » sont remplacés par les mots : « dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations ».
[1] Les profits réalisés en France sur les marchés à terme d’instruments financiers, sur les marchés d’options négociables et sur les opérations de bons d’option relèvent des dispositions des article 150 ter à 150 undecies du code général des impôts et sont imposables à 16 % (hors prélèvements sociaux) ; les mêmes opérations réalisées à titre habituel relèvent de la catégorie des bénéfices non commerciaux (art. 92-2 5° du code général des impôts) lorsque l’option pour l’imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux prévue au 8° du I de l’article 35 du code précité n’a pas été exercée ou n’est pas ouverte.