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BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS

13 O-3-05

N° 63 du 7 AVRIL 2005

JURISPRUDENCE

CONTENTIEUX DE L’IMPÔT - SURSIS A EXECUTION DES DECISIONS JURIDICTIONNELLES

NOR : BUD L 05 00067 J

Bureau T 3

PRESENTATION

Contentieux de l’impôt – Décision juridictionnelle - Procédure de sursis à exécution d’un arrêt à la demande du ministre -  Précisions sur les règles régissant les demandes de sursis à exécution.

Le Conseil d’Etat a jugé que le ministre est fondé à demander qu'il soit sursis à l’exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel accordant à une société en liquidation judiciaire une réduction de ses bases d'imposition à l’impôt sur les sociétés et à la T.V.A., dès lors que :

·          le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel a statué ultra petita sur les conclusions dont la société l'avait saisie est un moyen sérieux et de nature à justifier, outre la cassation de l'arrêt attaqué, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond ;

·          la situation de liquidation judiciaire dans laquelle se trouve la société expose l'Etat à la perte définitive de la somme que l'arrêt de la cour administrative d'appel lui a prescrit de verser, et qui ne devrait pas rester à sa charge au cas où ses conclusions seraient reconnues fondées par le Conseil d'Etat, et risque donc d'entraîner pour l'Etat des conséquences difficilement réparables.

Ainsi, même si l’article R. 821-5 du code de justice administrative ne prévoit pas expressément que le sursis peut être ordonné lorsque l’exécution de l’arrêt attaqué risque d’exposer l’Etat, auteur du recours en cassation, à la perte définitive de la somme dont le versement lui est prescrit par l’arrêt, le juge de cassation regarde un tel risque pour l’Etat comme caractérisant des conséquences difficilement réparables.

Ÿ


Décision du Conseil d’Etat du 10 novembre 2004 n° 269 058,
ministre c. /SA Décoflock Clara Lander [1]

Contentieux de l’impôt – Sursis à exécution – Conditions d’octroi du sursis à exécution - Cas où l’Etat est exposé à la perte définitive de sa créance lorsque la société est placée en liquidation judiciaire.

ARRÊT DU CONSEIL D’ETAT :

 « […] Considérant qu'aux termes de l'article R 821-5 du C. just. adm. : « La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle rendue en dernier ressort, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond » ;

Considérant, d'une part, que le moyen tiré par le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de ce que la cour administrative d'appel de Nancy a statué au-delà des conclusions dont elle était saisie en accordant à la société une réduction de ses bases d'imposition à hauteur, en ce qui concerne les redressements issus de la reconstitution par l'administration des recettes liées à la vente du produit « toiles premières », de montants excédant les redressements demeurant en litige à ce titre, et en déchargeant la société, par voie de conséquence, des rappels d'impositions et des pénalités y afférents, paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre la cassation de l'arrêt attaqué, l'infirmation de la solution retenue par la cour administrative d'appel de Nancy ;

Considérant, d'autre part, que l'exécution immédiate, dans cette mesure, de l'arrêt attaqué, exposerait l'Etat à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge au cas où ses conclusions tendant à l'annulation de cette partie de l'arrêt seraient reconnues fondées par le Conseil d'Etat, et risque donc d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions du recours du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au sursis à exécution de l'arrêt attaqué […] ».

NOTA :

Le contentieux administratif est marqué par le caractère non suspensif des recours. Le régime du sursis à exécution a été modifié par la loi n°2000-597 du 30 juin 2000, portant réforme des procédures de référé. Depuis le 1er janvier 2001, cette procédure de sursis à exécution ne concerne que les décisions juridictionnelles.

Devant la cour administrative d’appel, le sursis à exécution est régi par les dispositions des articles R. 811-14 à R. 811-19 du code de justice administrative et devant le Conseil d’Etat, par les articles R. 821-5 et R. 821-5-1 du même code. Peuvent faire l’objet d’une demande de sursis à exécution, les décisions des tribunaux administratifs frappées d’appel ainsi que les décisions faisant l’objet d’un pourvoi en cassation. De même, les ordonnances rendues par le juge des référés peuvent faire l’objet d’une demande de sursis à exécution si les conditions sont remplies.

Toutefois, si le dépôt d’une demande de sursis à exécution par le contribuable n’a pas d’effet suspensif [2], l’administration prescrit néanmoins à ses comptables  de surseoir au recouvrement de l’impôt en attendant qu’il soit statué sur cette requête[3].

Depuis le 1er septembre 2003, les conclusions tendant au sursis à exécution doivent être présentées, sous peine d’irrecevabilité par une requête distincte et accompagnées d’une copie du recours ou du pourvoi.


Le délai d’appel des décisions ordonnant le sursis à exécution est de 15 jours.

L’Etat peut demander le sursis à exécution d’un jugement rendu par un tribunal administratif ou d’un arrêt d’une cour administrative d’appel si les conditions prévues sont réunies : l’existence de moyens sérieux et de conséquences difficilement réparables.

A cet égard, et compte tenu de la jurisprudence du Conseil d’Etat désormais bien établie[4], le ministre peut demander qu’il soit sursis à l’exécution d’une décision lorsqu’une entreprise fait l’objet de procédures collectives et, notamment, d’une procédure de règlement judiciaire.

Cela étant et, conformément à une jurisprudence constante[5], dans laquelle s’inscrit l’arrêt  Décoflock visé supra, le sursis à exécution ne peut, bien entendu, être régulièrement sollicité que pour autant que l’exécution du jugement ou de l’arrêt déféré exposerait l’Etat à une perte définitive de sa créance.

Tel est le cas, lorsque l’Etat est tenu de reverser des impositions d’ores et déjà acquittées par le contribuable et/ou lorsque la créance n’a pu régulièrement être produite auprès du liquidateur de sorte que l’Etat ne participera pas, en tant que créancier privilégié, à la répartition de l’actif de l’entreprise liquidée.

Ainsi, dans le droit fil de cette jurisprudence, la Cour administrative d’appel de Versailles a récemment jugé qu’à défaut d’obligation de remboursement des sommes litigieuses, qui n’ont pas été acquittées par le redevable, qui bénéficiait du sursis de paiement, et, dans la mesure où la créance du Trésor a été régulièrement produite, l’administration n’établissait pas que l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Versailles l’exposerait à une perte définitive[6].

« DB liée : 13-O-164 ; 13-O-3961 ; 13-O-53 n°9 »

Le Chef de Service



Jean-Pierre LIEB



[1] CE 10 novembre 2004 n° 269058, 8e s.-s., ministre c. /SA Décoflock Clara Lander in RJF 2/05 n° 178.

[2] CE 30 novembre 2001 n°134654, Dion in RJF 2/02 n°232.

[3] Rép. Frédéric Dupont, J.O. A.N. 24 novembre 1986, p. 4375, n° 9336.

[4] CE 29 mars 2002 n° 241670, ministre c. /SARL Grey Diffusion in RJF 6/02 n°707 et concl. J.Courtial in BDCF n° 6/02 n° 85 ; CE 29 juillet 2002 n° 247048, ministre c. /Sté Faluver in RJF 11/02 n°1310.

[5] CE 16 juillet 1976 n° 2769, 8e et 9e s.-s. in RJF 10/76 n° 467 ; CE 6 juillet 1986 n° 83047, 8e et 9e s.-s. in RJF 10/87 n° 1060 ; CE 3 novembre 1989 n° 99425-99426, 8e et 9e s.-s., Sté nouvelle Rivastella in RJF 1/90 n° 93.

[6] CAA Versailles 3 mars 2005 n° 04VE03348, C.P.G. International (ex. S.A. Génicom).