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BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS

7 G-6-04

N° 142 du 9 SEPTEMBRE 2004

COUR DE CASSATION.

ARRÊTS DES 28 JANVIER 2003 (N° 190 F-D), 11 FEVRIER 2003 (N° 270 F-D) ET 12 MAI 2004 (N° 779 FS-P).

DROITS DE MUTATION A TITRE GRATUIT.

VALEUR VENALE DES IMMEUBLES.

(C.G.I., art. 666, 669, 761, 762 ancien)

NOR : ECO L 04 00131 J

Bureau J2

 

PRESENTATION

En matière de droit de mutation, les biens sont évalués tels qu’ils sont transmis selon leur état à la date de la mutation puis les droits sont liquidés sur la part nette des biens reçue par chaque bénéficiaire de la transmission.

Par trois arrêts récents, la Cour de cassation a précisé les modalités d'évaluation des immeubles transmis à titre gratuit.

 

 

 

 

 

 

 


 

1.       La valeur vénale d'un immeuble transmis à titre gratuit s'apprécie compte tenu notamment de son état d'occupation au moment de la transmission.

a) Pour les donations, il n'est plus tenu compte que de l'éventuelle occupation de l'immeuble par un locataire.

Un arrêt du 12 mai 2004 a précisé que, sous l'empire des textes antérieurs à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 17 de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998, l’occupation d’un bien, fût-ce par l’usufruitier, devait être retenue comme un élément affectant la valeur de l'immeuble faisant l'objet d'une donation.

Les nouvelles dispositions, adoptées postérieurement à la donation de l'espèce (réalisée par un acte en date du 11 juin 1990), et codifiées notamment à l’article 761 du C.G.I., conduisent désormais à évaluer comme libre de toute occupation le bien dont le propriétaire a l’usage à la date de la donation.

b) Pour les mutations consécutives à un décès, en revanche, il est également tenu compte de l'éventuelle occupation de l'immeuble, au jour du décès, par le conjoint survivant ou l'un des enfants.

Par un arrêt du 11 février 2003, la Cour de cassation a considéré qu'un immeuble ne pouvait pas être considéré comme occupé lorsque son propriétaire y demeurait seul au moment de son décès. Il doit donc être évalué comme libre de toute occupation.

La situation est différente lorsqu'un immeuble constituant au jour du décès la résidence principale du défunt est, à la même date, également occupé à titre de résidence principale par son conjoint survivant ou par l'un au moins de leurs enfants mineurs ou majeurs protégés (cf. article 764 bis du C.G.I.).

2.      La valeur vénale d'un immeuble transmis à titre gratuit s'apprécie sans tenir compte de l'éventuelle indivision née de la transmission

Par un arrêt du 28 janvier 2003, la Cour de cassation a considéré que pour l’assiette des droits de mutation à titre gratuit, l’évaluation de la nue-propriété indivise d’un immeuble dont les parents ont fait donation-partage à leurs deux enfants est effectuée par application du barème de l’article 762 ancien, actuellement 669, du code général des impôts à la valeur en toute propriété du bien.

Pour l'appréciation de cette dernière, le caractère indivis de la pleine propriété existant préalablement à la mutation à titre gratuit doit être pris en compte par le choix de termes de comparaison afférents à des biens eux-mêmes indivis (cessions récentes de biens communs à des époux, par exemple).

En revanche, la situation indivise des donataires résultant de l’acte de donation est sans incidence sur la valeur vénale de la nue-propriété transmise.

Dès lors, en procédant à l’évaluation au moyen de termes de comparaison portant sur des biens indivis puis en appliquant à la valeur en toute propriété le barème qui permet de fixer les valeurs respectives de l’usufruit et de la nue-propriété, l’administration a correctement apprécié les caractéristiques du bien à évaluer.

 

 

Annoter : D.B. 7 G 2311 n° 14 ;

D.B. 7 G 313 n° 10.

 

Le chef de service,

Gérard Bouriane


cour de cassation, arrêt du 28 janvier 2003

 

 

« Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux T, propriétaires indivis pour moitié d'un appartement sis à Paris, ont fait donation-partage à leurs filles, Élisabeth et Catherine, de la nue-propriété indivise de ce bien ; que Mlle Élisabeth T (Mlle T) a demandé la décharge de l'imposition complémentaire mise à sa charge, au titre des droits d'enregistrement, à la suite de la remise en cause de l'évaluation du bien par l'administration fiscale ;

 

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

 

Vu l'article 762, I du CGI ;

 

Attendu qu'il résulte de ce texte que pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, la valeur de la nue-propriété et de l'usufruit est déterminée par une quotité de la valeur de la propriété entière, conformément au barème mentionné dans le texte susvisé et qu'une telle détermination forfaitaire exclut la possibilité d'appliquer un abattement supplémentaire résultant du seul démembrement de la propriété ;

 

Attendu que pour juger que l'administration fiscale n'a pas eu recours à des éléments de comparaison tirés de la cession de biens intrinsèquement similaires, l'arrêt retient que si les références proposées par l'administration fiscale portent sur des biens indivis appartenant à des époux, elles ne concernent pas des biens dont l'usufruit appartient indivisément à des époux et la nue-propriété indivisément aux enfants ;

 

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'est pas contesté que, pour procéder à l'évaluation à l'origine de l'imposition litigieuse, l'administration fiscale a tenu compte du démembrement de propriété en appliquant le barème de l'article 762, I du CGI à la valeur de la propriété entière tirée de la comparaison du bien litigieux avec les biens cités lors de la procédure de redressement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS : Casse et annule ».

 

 

 

cour de cassation, arrêt du 11 février 2003

 

 

« Sur le moyen unique :

 

Attendu que M. A. fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 15 mars 2001) d'avoir rejeté sa demande de restitution d'une partie des droits de succession et des pénalités y afférentes acquittés au titre d'un appartement compris dans la succession de sa mère et évalué sans qu'il soit tenu compte de son occupation par celle-ci au jour de son décès, alors, selon le moyen, que la valeur vénale d'un immeuble, retenue pour la liquidation des droits de succession, doit être déterminée compte tenu de la situation de fait de cet immeuble et notamment de son état d'occupation par le propriétaire ou par un tiers, à la date de la transmission du bien et avant la mutation, les circonstances postérieures au décès étant sans incidence ; qu'un abattement doit donc être appliqué, en vue de la détermination de cette valeur, pour tenir compte de l'occupation du bien en cause par le propriétaire au jour de son décès, peu important qu'il soit ou non le seul occupant ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que Mme A. occupait au jour de son décès l'appartement en cause situé (...) à Meudon, dont elle était propriétaire et qui constituait sa résidence principale ; que, dans ces conditions, en refusant de pratiquer un abattement sur la valeur de cet appartement pour tenir compte de cette occupation à la date de la transmission de ce bien, en vue de la détermination des droits de succession dus par M. Jean A., les juges d'appel ont violé les dispositions des articles L 17 du LPF, 666 et 761 du CGI ;

 

Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'il résulte de l'article 761 du CGI que pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, les immeubles, quelle que soit leur nature, sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de leur transmission, l'arrêt retient à bon droit que, s'agissant d'une mutation consécutive à un décès, cette valeur s'apprécie au jour du décès, compte tenu notamment de l'état d'occupation de l'immeuble, que l'immeuble ne peut pas être considéré comme occupé lorsque son propriétaire en était le seul occupant au moment de son décès et que dès lors que M. A. n'habitait pas lui-même les lieux au moment du décès de sa mère, l'immeuble dans lequel celle-ci résidait devait être évalué comme un immeuble libre de toute occupation ; que le moyen n'est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS : Rejette le pourvoi ».


cour de cassation, arrêt du 12 mai 2004

 

 

« Sur le moyen unique :

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 mai 2001), que par acte du 11 juin 1990, le père de Mme P. lui a fait donation de la nue‑propriété d’un appartement évalué en pleine propriété à 1 300 000 francs, chiffre à partir duquel les droits d’enregistrement ont été calculés ; que l’administration fiscale estimant cette évaluation insuffisante a notifié un rappel de droits d’enregistrement en retenant une valeur en pleine propriété de 1 497 600 francs ; qu’après le rejet de sa réclamation, Mme P. a saisi le tribunal qui, par jugement du 29 mars 1999, a fixé la valeur vénale du bien au jour de la donation à 1 450 800 francs ;

 

Attendu que le directeur général des impôt fait grief à l’arrêt d’avoir fixé la valeur de la nue-propriété de ce bien à la somme de 1 160 640 francs, alors, selon le moyen, que la mutation litigieuse portant sur la nue-propriété d’un immeuble, l’assiette des droits de mutation à titre gratuit exigibles doit être fixée en fonction du barème de l’article 762-I du code général des impôts, prévoyant la détermination forfaitaire, par une quotité de la propriété entière, des valeurs respectives de la nue-propriété et de l’usufruit sans qu’il soit possible d’appliquer un abattement supplémentaire résultant du seul démembrement de propriété ; que dès lors, l’occupation du bien non par son propriétaire mais par l’usufruitier constitue une conséquence du droit d’usufruit grevant celui-ci dont il est déjà tenu compte au travers du barème de l’article 762-I précité du code général des impôts ; qu’en décidant néanmoins d’appliquer un abattement supplémentaire de 20 % du fait de l’occupation du bien par l’usufruitier, la cour d’appel a violé le texte précité ;

 

Mais attendu que la cour d’appel, qui a rappelé que la réglementation à prendre en considération était celle applicable au jour du fait générateur de l’impôt, et que les droits de mutation à titre gratuit devaient être liquidés sur la valeur vénale réelle de l’immeuble, c’est à dire sur le prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l’offre et de la demande sur un marché réel, compte tenu de sa situation de fait et de droit, a, à bon droit, décidé que l’occupation du bien fût-ce par l’usufruitier devait être retenue comme un élément affectant cette valeur ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS : Casse et annule ».